Faire le pari de la lentille fixe

Perles d'eau douceLa question m’est souvent posée après mes cours.  «C’est quoi la prochaine lentille que je devrais acheter?»  La question est posée avec passion, avec un grand intérêt mais accompagné d’angoisse également.  Lorsqu’on débute en photo, on ne veut pas se tromper.  On ne veut surtout pas être déçu.  Le choix de nos lentilles est primordial car on vit longtemps avec ces dernières.  Si la qualité de vos photos vous importe, j’ai une proposition.  Mais attention, elle s’adresse aux ceux qui ne craignent pas l’inconfort.

Perles d'eau douceJe le confesse, j’ai un grand intérêt pour l’équipement photo.  J’aime bien lire des tests sur des boîtiers, des lentilles.  Je consulte plusieurs blogues spécialisés.  Certains sites d’analyse d’équipements logent dans mes favoris.  Le volet technique de la photo m’intéresse donc mais attention, tout n’est pas qu’une question de capteur, d’iso, de vitesse de rafales, d’aberration chromatique, d’ouverture ou de puissance guide des flashs.  La photo, c’est d’abord et avant tout un oeil créatif.  Y’a des techniciens qui ne connaissent rien à la photo et y’a des photographes renommés qui ne connaissent rien au volet technique et qui le confessent.  C’est tout dire.  Vous savez comment cadrer, vous avez un oeil et une créativité et vous savez où appuyer pour capter votre photo.  C’est vraiment pas obligé d’être plus compliqué que ça.  Toutefois, on a quand même entre les mains un outil technologique.  Ça ne fait pas tort d’en connaître certains aspects.  😉

Ceci étant, j’ai fait récemment un changement assez important au sujet de mon équipement en choisissant de passer à un boîtier plein capteur.  Ce faisant, j’étais bien conscient de l’impact de ce changement sur ma flottille de lentilles.  Quelques-unes ne seraient plus compatibles avec mon nouveau boîtier.  Dans d’autres cas, la qualité de la lentille ne serait pas à la hauteur des possibilités du plein capteur.  Dès qu’on bascule dans le camp du plein capteur, on dirait que tout s’en suit: $$$$$$.  Particulièrement si vous consultez l’excellent site d’analyse DXOmark et que vous prenez connaissance des lentilles les plus performantes pour votre appareil.  Dans le cas du plein capteur, la lentille zoom «kit» qui vient avec l’appareil figure habituellement dans le milieu du peloton., quelque soit le manufacturier  Elle ne permet pas souvent de tirer le meilleur profit de votre investissement.

Que faire alors?  Lorsque vous examinez le palmarès, vous constatez que les zooms les plus performants valent leur pesant d’or.  Dans le cas de la famille Canon (que je connais mieux), le zoom et le grand angle de choix coûteraient plus de 2 000$ chacun (!) sans compter le fait que leur diamètre est de 82mm.  Vous avez déjà remarqué le coût des filtres spécialisés de 82mm? Ouille!

Alors, sans se ruiner, quelle est la solution?  La réponse se trouve dans le haut du palmarès des lentilles de qualité, quelque soit votre modèle ou votre marque.  Elles figurent tout en haut du palmarès.  Eh oui, les lentilles fixes!

Je suis...

Pourquoi les objectifs fixes sont-ils si performants?  Parce qu’ils n’ont pas à faire de compromis.  Les objectifs fixes couvrent qu’une seule distance focale alors que les zooms cherchent à couvrir une plage plus large, 18-55mm par exemple.  Les concepteurs doivent incorporer aux objectifs zoom des éléments mécaniques pour couvrir cette plage tout en y joignant des verres en conséquence alors que les objectifs fixes bénéficient d’une optique sans compromis et de qualité supérieure.  Signe de qualité, les objectifs fixes ont peu évolué au fil des années.  Lorsque la performance est atteinte, il n’est pas rare de voir le modèle d’un objectif fixe rester le même pendant une dizaine d’années, voire davantage.  Ces dernières années, l’intégration d’un mécanisme de stabilisation d’image (également appelé réduction de la vibration) a suscité l’arrivée de nouveaux modèles.  Parfois la qualité optique s’est bonifiée mais plus souvent qu’autrement, la nouveauté résidait surtout dans l’intégration du mécanisme de stabilisation d’image.

Le plein capteur ne pardonne pas.  S’il y a un défaut optique dans une lentille, il sera visible.  Or, voilà qui en dit long sur la qualité des objectifs fixes alors que ceux-ci trônent dans le haut d’un palmarès.

Plusieurs raisons peuvent nous amener à choisir les objectifs fixes.  Primo, c’est faire le choix de la qualité optique.  Secundo, c’est aussi le fait de privilégier des ouvertures lumineuses car il n’est pas rare que des objectifs fixes offrent des ouvertures de F2.0, F1.8, F1.4 voire même F1.2.  Même si le registre des ISO est à la hausse, ce n’est pas désagréable de pouvoir avoir en main un accessoire avec une ouverture aussi généreuse.

Rajoutons d’autres considérations.  Le prix pour un.  Le poids pour deux.  En ce qui à trait au prix, on peut trouver des objectifs fixes de grande qualité à des prix (relativement) modestes.  Dans le domaine de l’usagé par exemple, il n’est pas rare qu’on puisse mettre la main sur une lentille fixe de 50mm F1.8 pour moins de 100$.  Une lentille F1.4 vous amènera dans la fourchette de 350-400$.  Pas mal, pas mal.    Si le neuf vous intéresse, j’ai eu la chance par exemple de mettre la main sur la remarquable lentille «pancake» 40mm de Canon en rabais à 149$ chez B&H.  Les lentilles de marque coréenne Samyang, Bower, Rokinon (ces deux dernières étant manufacturées par Samyang) sont d’excellente qualité pour peu qu’on accepte de déterminer notre ouverture manuellement (rien de compliqué).  Les Nikonistes peuvent compter sur l’autofocus alors que pour les autres marques, les objectifs Samyang exigent une mise au point manuelle.  Mais le rapport qualité/prix est imbattable.

Parlons du poids.  Les objectifs fixes comportent un poids assez modeste.  Ce dernier peut devenir assez prononcé si – comme les objectifs zoom – un mécanisme de stabilisation d’image se rajoute à l’ensemble.  Mais si ce n’est pas le cas, le poids d’un objectif fixe reste léger.  Voilà pourquoi il est indiqué d’avoir un objectif fixe comme lentille de rechange lorsqu’on part en voyage advenant un pépin avec notre objectif principal.

Faire le choix des lentilles fixes peut avoir ses inconvénients.  Côté rangement, trois – quatre lentilles fixes prennent plus d’espace qu’une lentille zoom de type 18-200mm.   Changer de lentilles fréquemment peut amener des poussières à se déposer sur votre capteur.  Voilà pour les inconvénients.  Mais travailler avec une lentille fixe changera votre façon de photographier assurément.  Finis les cadrages approximatifs ou encore en ajustant votre zoom.  Avec une lentille fixe, vous êtes obligé de vous déplacer, de vous rapprocher ou de vous éloigner.  Vous zoomez avec vos pieds.  Par le fait même, vous vous impliquez davantage à l’égard de votre sujet.  Vous êtes plus dynamique, plus physique.  Vos cadrages y gagneront.  Votre démarche photo également.

Le renouveau

Alors quid de la question qui m’est adressée: quelle lentille devrais-je acheter? La réponse la plus prudente est d’enrichir la lentille «kit» de base d’un zoom longue focale dans le registre 70-300.

Mais pour ceux qui recherchent un rehaussement de la qualité optique, le choix des lentilles fixes est une avenue à considérer.  Pour se mettre dans le bain, j’hésite nullement à suggérer un grand classique, la 50mm F1.8 que la plupart des manufacturiers offrent à un prix très abordable (encore mieux sur le marché de l’usagé).  Par la suite, une lentille 85mm (F1.8 ou F1.4 si vous avez les moyens) est la lentille par excellence pour le portrait.  Et dans le domaine de la macro, la lentille fixe s’impose.  À vous de craquer pour la 60mm, 90mm, 100mm, voire plus.  Ces optiques sont très lumineuses et offrent le rapport 1:1.

Pour ma part, je fais donc le pari de l’optique fixe pour mieux profiter de mon plein capteur.  Sur la base des analyses de DXOmark, j’ai logé la sympathique 40mm pancake et la 85mm dans mon sac photo.  Ma 50mm sera à vendre – la différence n’étant pas assez significative entre la 40mm et la 50mm – quoique pour le portrait, la 50mm peut être toujours utile dans des espaces plus restreints. Pour le grand angle, pas facile de trouver des optiques qui sont à la hauteur.  Le plein capteur est impitoyable pour les défauts de ces optiques (vignettage, aberration chromatique, aberration géométrique).  Pour le moment, la 17-40mm va rester dans mon sac.  Et le volet macro est comblé par la superbe Tamron 90mm.

J’espère que cet article vous a été utile.  N’hésitez pas à commenter.  Merci pour votre présence.  La belle saison étant lancée – dans mon coin de pays – bonnes virées photo printanières.  🙂

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13 commentaires pour Faire le pari de la lentille fixe

  1. Ping : Quatre ajouts précieux à votre équipement | Fairedelabellephoto.com

  2. Michel dit :

    Il manque un argument dans la considération fixe-zoom.
    Dans un objectif zoom, il y a toujours un petit jeu. Certes minime, mais il y a un jeu obligatoire, sinon, on n’arriverait pas à faire glisser les groupes de lentilles dans les changements de focale. Et qui dit jeu, dit introduction d’un facteur aléatoire de déformation d’image qui au bout du compte se traduit souvent par un manque de précision de mise au point dans certaines parties de la photo, auxquelles s’ajoutent les jeux de la mise au point.

    Une focale fixe n’a normalement comme partie coulissante que la mise au point. Donc moins de probabilité de perturbation mécanique.

    En gros, une focale fixe aura un meilleur piqué qu’un zoom réglé à la même focale, tous les autres éléments de qualité étant égaux par ailleurs.

  3. Vincent dit :

    Bonjour,

    Je trouve l’approche très charmante et novatrice seulement, je me questionne à savoir si cette logique d’utilisation de lentilles fixes peu répondre à mes besoins. Plus précisément, je me demande s’il existe une lentille fixe relativement polyvalente (lire: à grand angle) et qui me permettrait de prendre des photos de paysages de qualité sur un appareil à capteur « crop ».

    La question qui me hante est à savoir si le rendement d’une bonne lentille de base dans les 18-55 serait supérieur à une lentille fixe pour la photo paysage sur capteur « crop »…

    Vos commentaires sont très appréciés!

    Merci beaucoup

    • Pour le paysage, la lentille fixe qui s’impose pour le paysage avec petit capteur est la 24mm. Elle devient dans les faits l’équivalent d’une 35mm (multiple 1.5 ou 1.6 selon Nikon ou Canon). Tous les tests DXOmark démontrent qu’une lentille fixe à une meilleure performance qu’un zoom, même de haut niveau. Toutefois, on est dans les nuances et quitte à se répéter, une photo de qualité n’est pas uniquement une question d’équipement. Tout dépend aussi du type de photo paysage. Si vous devez franchir de grandes distances avec votre équipement pour capter vos paysages, faites vous le choix d’une certaine légèreté en optant pour un zoom plutôt que deux ou trois lentilles fixes? Y’a plusieurs considérations à mettre dans la balance. Si vous êtes à la recherche de la qualité, il faudra y mettre le prix pour un excellent zoom dans le registre du 17-50mm f2.8. Le site de DXOmark reste une belle référence à consulter.

  4. Christian dit :

    Bonjour
    Je lis partout que « le 85 mm est la focale parfaite pour le portrait ».

    J’en possède une de Nikkor (F1.8) qui est excellente quoiqu’elle demande de se rapprocher beaucoup du sujet.

    Lors d’un cours photo le prof n’a pas démordu du l’affirmation suivante :
    Les focales en dessous de 105mm augmentent la distance nez oreilles, les focales en dessus diminuent cette distance. Le 105mm serait donc l’absolue focale en porterait et non pas le 85mm.

    A votre avis, cette affirmation est-elle justifiée ?

    NB : Évidemment le 105mm est nettement plus cher, quasi aussi performant (F2 sur cette focale c’est exeptionnel avec un effet borek magnifique et un defocus control en sus).

    • La déformation est moins prononcée qu’avec une 50mm par exemple. De plus si votre sujet est centré et n’occupe pas tout votre plan, la déformation sera peu visible. Si vous faites un portrait dans un environnement, le tout ne paraîtra pas. Plusieurs jurent par la 85mm, d’autres par une 70-200mm qu’on joue à 110-120mm. J’aime bien travailler avec ma 85mm, c’est un charme.

  5. Orisphoto dit :

    Depuis que j’ai découvert la lentille fixe avec l’argentique je sais que mes prochains achat de numérique seront un 50mm 1.4 et un 105mm 2.8 viendra ensuite un boitier full frame (Nikon).
    Je ne trouve rien d’handicapant à ça, c’est même des distances de focales tout à fait naturelles pour moi.

    Bravo pour ton article qui résume bien ma pensée.

  6. La lentille fixe, c’est toujours très tentant… mais c’est encore de l’argent… Chez Nikon j’utilise trois zooms (14-24, 24-70 et 70-200) qui sont un peu lourds. et comme je fais beaucoup de portraits je me suis aperçu que je calais beaucoup sur 105 mm, en bougeant les pieds, selon la grandeur de la pièce ou du studio. C’est aussi très pratique à l’extérieur. Alors évidemment la tentation d’acheter une lentille fixe de 105 revient, justement pour produire des images de meilleure qualité. Mais j’hésite encore car je ne veux pas me défaire d’un de mes zooms… Cruel dilemme ! Merci Louis d’avoir réveillé cette tentation que je croyais endormie, depuis quelques jours seulement….

  7. Laurent MONTEIL dit :

    35 mm, 50 mm et 90 mm représentent le trio gagnant. Je parle en terme plein format. J’ai longtemps utilisé un Nikon F90X équipé d’un simple 50 mm f1.4 et je peux vous assurer que c’est un réel plaisir. On est vraiment acteur de notre photo. Cela nous apprend a tourner autour du sujet pour saisir l’Image. Avec ces 3 focales, je pense que l’on peut vraiment s’amuser. Pour les amateurs de nature, un téléobjectif 300 mm f4 (pour le poids) peut être rajouté dans le fourre-tout.

  8. Marienostudio dit :

    Merci pour cet article très intéressant. J’utilise un 50mn avec mon nikon que je trouve très lumineux. Effectivement la façon de prendre des photos avec une lentille fixe est différente et permet d’être actif, ce qui n’est pas pour me déplaire surtout en matière de portrait!

  9. Merci Louis pour cet article. Il est très intéressant. J’ai débuté avec la 50mm en objectif fixe. Puis la 90mm (Tamron également qui d’ailleurs permet de faire également de belles photos paysage) Dernièrement j’ai débuté avec des achats d’anciens objectifs Pentax qui sont ridiculement abordables. Je suis encore à les apprivoiser puisqu’ils sont entièrement manuels. Je dois trouver les forces de chacun de ces objectifs.

    J’aime également partir parfois avec un seul objectif fixe. C’est alors un défi de l’exploiter au maximum dans ses forces et limites. Cela permet de sortir de sa zone de confort.

    Bonne journée

    • Merci Sylvie pour ton témoignage très intéressant. Toujours très pertinent de voir et lire les choix des uns et des autres. La photo, c’est essentiellement une démarche personnelle. Chacun doit suivre son sentier. C’est précieux quand les gens prennent le partager le leur comme tu viens de le faire. Très apprécié. Merci beaucoup.

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