L’histoire d’une planche contact

planche_contactJ’ai le goût de vous proposer une variante du jeu que vous aimez beaucoup, « d’accord/pas d’accord ».  Il est vrai que les planches contact n’existent plus mais je vous en ai créé une pour vous aider à suivre l’histoire que je vais vous raconter.  En fait, je vous invite à suivre mon parcours et mes réflexions dans mes prises de vue pour une situation photo de rue.  Pourquoi ai-je déclenché à ce moment?  Pourquoi me suis-je placé dans cet angle et avec cette perspective?  Pourquoi ai-je raté aussi.  Et au final, quelles sont les deux photos que je préfère? Qu’elles seraient celles qui vous auriez davantage retenu?  Une planche contact raconte le cheminement d’un photographe tout autant que l’histoire qui se déroule et qu’on cherche à capter avec notre appareil.  Prêt?  Bienvenue derrière mon regard.

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Photo 1/22

C’est l’histoire d’un photographe qui aime la photo de rue et qui, pour cet usage, se déplace fréquemment avec sa fidèle G15. Au détour d’une virée au Festival international de jazz de Montréal, j’arrive sur les lieux de cette oeuvre en cours de réalisation par un artiste. L’odeur de café est omniprésente.  À l’aide d’un monticule de café, l’artiste est à créer des formes, des masses.  Je ne peux apprécier du premier coup d’oeil le propos de l’oeuvre. À l’instar des passants, je capte une première photo quoiqu’à la différence des propriétaires de smartphones, je n’ai pas le réflexe de prendre une photo debout mais plutôt de privilégier le ras-du-sol pour obtenir mon cadrage « rentre-dedans » habituel avec plein la vue sur l’index.  La photo est peu intéressante, vraiment à plat, l’artiste (à droite) étant beaucoup trop éloigné.

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Photo 2/22

Je choisis de me déplacer pour me rapprocher de l’artiste.  L’oeuvre m’intéresse mais l’artiste beaucoup plus.  Plutôt que de prendre le tout dans une perspective de plongée, je privilégie encore une fois ma position au ras-du-sol.  Je préfère être à la même hauteur que l’artiste.  Je suis ainsi beaucoup plus engagé dans mon sujet.  Je vois ce dernier travailler sous une chaleur accablante.  Je vois mieux ses mouvements.  L’odeur du café est bien présente (et agréable).   Je suis toutefois handicapé par le viseur approximatif de ma G15.  Mon cadrage est souvent au jugé.  Je constate après une première prise de vue et avec le point de vue que j’ai adopté que les accessoires de l’artiste sont au premier plan et peu intéressants.

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Photo 4/22

Vous vous souvenez de mon article « Il suffirait de presque rien…« ?  Il suffit souvent de peu de choses pour qu’une photo soit plus réussie qu’une autre.  Compte tenu que je voulais que les accessoires soient moins distrayants, il a suffit que je me déplace d’à peine un mètre vers ma droite pour obtenir un point de vue bien dégagé sur l’artiste.  En plus, j’ai capté ce dernier avec une belle gestuelle.  On se rapproche de plus en plus du but. 🙂

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Voici l’une de mes sélections.  L’artiste est bien dégagé.  Sa gestuelle est en action.  On sent une certaine tension dans son bras gauche, signe de l’effort qu’il déploie pour se soutenir. On ne voit qu’une section de l’oeuvre mais suffisamment pour percevoir l’importante superficie qu’elle peut occuper sur la planche publique.  En privilégiant un cadrage « rentre-dedans » sur l’artiste, je m’assure que les passants ne sont pas une source de distraction mais sont un élément d’information sur la situation.

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Photo 12/22

J’aimerais bien toutefois être en mesure de capter la situation pour mettre en scène toutes ces formes et le propos de l’artiste. Mon point de vue précédent ne me permettait pas d’obtenir ce résultat.   À observer certains détails, je constate que l’oeuvre est une dénonciation de l’exploitation des producteurs de café.  On peut lire « respect », observer le signe de $, et plusieurs autres détails – dont le plus essentiel reste le matériau lui-même (le café).  Afin d’obtenir un point de vue plus intéressant sur l’ensemble de l’oeuvre, j’amène ma lentille à son plus grand angle puis choisis de travailler avec la visée sur l’écran arrière de mon G15.  Je soulève ce dernier au-dessus de ma tête en tenant solidement ma courroie pour bien stabiliser mon appareil.  Mon premier essai est peu intéressant mais prometteur.

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Après quelques essais, boum!  Voilà ce que je recherchais.  La gestuelle de l’artiste est superbe, s’appliquant à créer un vide entre les deux lettres d’un geste tranchant.  L’oeuvre est beaucoup plus visible.  L’artiste est situé dans le tiers inférieur.  Même s’il est centré, ça ne me dérange pas puisqu’il y a pas mal d’informations intéressantes dans le reste du cadrage pour amener notre oeil à y voyager.  Voilà la 2e photo que j’ai retenu de l’ensemble de la séance.  Celle-ci, tout comme mon autre choix, ont été traité plus à fond avec mes progiciels de Nik’s Software.

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Photo 21/22

La photo ci-contre aurait pu aussi être retenue. Contrairement à la photo précédente, on ne voit pas la présence de la foule alors que dans ce cas-ci, les jambes sont un rappel du lieu et de l’événement.  Si pour le bénéfice d’un propos éditorial, il était important qu’on puisse comprendre qu’il s’agit d’une place publique, il est fort possible que cette photo-ci aurait davantage retenu mon attention.  Mais pour mon appréciation personnelle, je préfère celle ci-dessus présentant l’artiste au milieu de son oeuvre.  Tout dépend de l’histoire que vous souhaitez raconter.

Voilà pour mes réflexions à voix haute.  Voilà pour mes choix et mes points de repère. Quels sont les vôtres?  Nommez-les.  Lorsque vous avez un sujet sous les yeux, prenez note de vos réflexions.  Questionnez-vous.  Faites-vous aussi une planche contact et remémorez-vous l’histoire derrière celle-ci.  Mieux se connaître et nommer nos points de repère, c’est aussi cheminer vers la réalisation de meilleures photos.

N’hésitez pas à commenter.  Au cours des prochaines semaines, il est possible que mes billets soient plus distants.  Profitez de la belle saison, bonne photo à vous tous et merci pour votre présence.  

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5 commentaires pour L’histoire d’une planche contact

  1. Sylvain Lavoie dit :

    Merci Louis de nous faire encore voyager avec toi, cette fois-ci dans ta réflexion et le cheminement pour realiser ces photos. Très instructif, instinctif, et pédagogique. Bravo!

  2. VBonnefond dit :

    Merci, Louis, pour ce nouvel article édifiant sur la démarche photographique. Merci de montrer à quel point il s’agit bien d’un dialogue intérieur entre ce qui est et ce que l’on veut dire/montrer/raconter. Bien loin des photos souvenirs « clic-clac, l’image dans la boîte »…
    Encore un super article, donc 🙂

  3. Helene dit :

    Merci M. Louis de m’avoir fait participer à votre cheminement.

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