«Devant deux portraits de ma mère». Pour les lecteurs québécois, le vers vous semble peut-être familier. Ça éveille sans doute un vieux souvenir. Oui, mais lequel? «Devant deux portraits de ma mère». Un indice? «Ce fut un grand vaisseau taillé dans l’or massif». Trouvé! Émile Nelligan, poète québécois avec une existence trouble, mort trop jeune. Ciel, quel lien avec la photo? Aucun si ce n’est que devant ce portrait de ma mère, je pouvais adopter deux approches. Vais-je faire de la retouche numérique ou non? Si oui, avec quelle intensité? Avec quel outil? La portraitiste Denise Sarazin et moi vous offrons quelques suggestions de traitement photo pour vos portraits de personnes d’un certain âge. À l’instar du poème de Nelligan, vous aurez devant les yeux «deux portraits de ma (votre) mère», mais nul doute que l’un des deux lui plaira davantage.
♫Ah vous dirais-je maman…♪
Bonne semaine à vous tous. Les préparatifs pour le temps des Fêtes vont sans doute de bon train. À l’approche du temps des Fêtes, les occasions se présenteront pour vous permettre de réaliser des portraits de vos proches. Parmi ceux-ci, vous prendrez peut-être des photos de personnages d’un certain âge – comme ma mère. J’ai eu la joie – il y a quelques années – de voir ma mère m’accorder une heure pour réaliser un portrait d’elle. Sachant que la photo est une passion pour moi, elle a sans doute accepté cette séance photo pour me faire plaisir. Comme plusieurs personnes, l’idée de se faire photographier avait autant de charme pour elle…que la chose la plus désagréable à laquelle vous pouvez penser. Elle aime les photos…mais pas d’elle-même. Se faire prendre en photo? Bien peu pour elle Pourtant elle s’est présenté toute belle avec un sourire radieux. Une séance photo, c’est quand même une séance photo, aussi douloureuse soit elle 🙂
Puisque cette séance s’est tenue au début du mois de décembre, je n’ai pu recourir à l’adage que je partageais avec vous récemment: la lumière naturelle avant le réflecteur, le réflecteur avant le flash, le flash si l’on ne peut faire autrement. Ne pouvant profiter d’une belle lumière naturelle, j’ai donc choisi d’installer mon studio portatif chez ma mère avec mes flashs cobra. Afin d’obtenir l’apparence d’une lumière douce qui convenait pour une femme de son âge, j’ai recouru à la stratégie du flash et du parapluie à la droite. Un réflecteur débouchait les ombres du côté gauche du visage.
Un petit conseil rapide. Si l’on ne bénéficie pas beaucoup de temps ou d’équipement pour se créer un petit studio, n’hésitez pas à profiter de l’éclairage naturel en provenance des fenêtres. Tentez d’éviter un éclairage direct et dru. Si vous avez des rayons de soleil directement dans la fenêtre, vous aurez de généreux contrastes, ce qui n’est pas toujours souhaitable. Tant mieux si cette fenêtre est garni d’un rideau diaphane. Il aura le même effet qu’un flash diffusé au travers d’un parapluie. La lumière sera généreuse, douce et enveloppante. Rapprochez votre sujet de cette fenêtre. Le plus près, le mieux. Une pose, un regard et clic! Pas besoin d’un studio ou d’équipement d’éclairage dispendieux pour réussir un beau portrait. Identifiez une belle source de lumière naturelle et profitez-en.
Une fois la photo saisie de ma mère, j’ai par la suite procédé au traitement dans la chambre noire numérique. Le traitement d’un portrait dans cette chambre numérique varie passablement selon le sujet. Par exemple, pour des hommes d’un certain âge dans certaines sociétés, on ne tente pas de rajeunir les traits. Au contraire, les rides – marques du temps – peuvent même ressortir davantage en ayant recours à une netteté («sharpening») accentuée. Si vous voulez avoir une photo avec beaucoup de personnalité et si la chose convient avec votre sujet, le recours au noir et blanc fera ressortir les rides et donnera un résultat plus dramatique.
Par contre la même démarche a habituellement moins de succès pour les sujets féminins, quel que soit leur âge. Dans notre traitement numérique, on va davantage chercher à lisser les traits et à atténuer les rides chez les femmes, moins chez les hommes. Plusieurs accuseront les photographes de colporter ainsi – à tort ou à raison – une imagerie stéréotypée homme/femme. N’hésitez pas à commenter.
Comment y parvenir?
Plusieurs logiciels sont spécialisés dans le domaine du portrait et la plupart vous promettent des résultats spectaculaires en quelques clics. Une simple recherche dans Google avec les mots clefs «portrait software» vous permettra de prendre connaissance de ceux-ci. On peut penser à Portrait professionnal, Perfect Portrait 2 de l’excellente compagnie onOne Software, Portrait + et plusieurs autres.
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Dans le cas du portrait de ma mère, j’ai privilégié une combinaison de mes outils préférés soit Lightroom de même que certains modules de Nik’s Software. Vous reconnaissez à gauche le fichier d’origine et à droite le résultat final.
Dans Lightroom, j’ai initialement travaillé sur mon fichier. Puisque je photographie habituellement en RAW, j’ai donc ajusté mon étalonnage pour le mode portrait, fais les corrections pour mon objectif et me suis assuré d’un ajustement pour la balance de blancs. J’ai également peaufiné mes réglages de base. Avec mon pinceau, j’ai fait des retouches essentielles pour un portrait soit au niveau des yeux en blanchissant le globe et en faisant ressortir davantage l’iris, autant au niveau de la couleur que de la netteté. Un regard précis et des yeux qui ressortent signent la réussite ou l’échec d’un portrait. J’ai également utilisé le pinceau de Lightroom pour blanchir les dents légèrement.
Par la suite, j’ai basculé dans le module ColorEfexPro 4 de Nik’s Software. Avec ce dernier, je gère généralement le contraste dans mes photos. Puis, j’ai fait appel à la fonction «Remove color cast» pour retirer ce bleuté froid qui recouvrait l’ensemble de la photo et pour donner un portrait une certaine chaleur. Grâce à la fonction «Classical soft focus» j’ai apporté des retouches localisées dans le visage de ma mère pour atténuer certaines rides. Notez que j’indique bien «atténuer» certaines rides et non visez à les effacer complètement. J’adore la technologie de Nik’s Software et ses Upoint. On sélectionne une zone et on applique le traitement à cette zone. Ça évite de recourir au pinceau dans Photoshop et accélère le traitement. J’ai complété ma démarche dans la chambre noire numérique en ayant recours finalement à la fonction «Glamour glow» qui donne un bel halo à mon sujet, particulièrement dans sa chevelure. J’aime cette fonction pour la lumière qui donne.
Un peu d’auto-critique quant à ce portrait. Si c’était à refaire, je rajouterais un flash à l’arrière de mon sujet afin éclairer mon fond et créer une démarcation. Probablement que j’aurais du recourir à un éclairage «butterfly» voire même «clamp» qui aurait été un éclairage plus doux et harmonieux. Mais j’ai bien souvenance de la patience limitée de ma «cliente» 😉 et du délai d’exécution qui m’était demandé. Dans ce sens, ma séance photo avec ma mère n’a pas été différente de celles qu’on peut connaître et vivre pour des clients ou dans des situations photo corporatives. On doit agir vite, tirer le meilleur profit de la situation, ne pas espérer l’impossible, faire preuve d’imagination rapidement.
Variation sur le même thème
Denise Sarazin a eu le plaisir de vivre une situation similaire…et différente à la fois. Portraitiste connue (et courue) dans sa région, elle a eu une offre inattendue. «En prenant connaissance de mon portfolio, une voisine de ma mère a eu l’idée d’organiser une session de photo qui était en fait une occasion de rencontre pour plusieurs amies, dont ma mère. J’étais donc appelée à photographier toutes ces femmes à tour de rôle, femmes d’un certain âge dans la majorité des cas. Certaines s’étaient même relancées pour faire de la photo «boudoir». Bref, un bel après-midi pour ces femmes sous le signe de la photo et du plaisir.»
«Grâce à cette session photo et au traitement numérique qui s’en est suivi, j’ai pu mieux maîtriser la version CS6 de Photoshop que je viens d’installer. En cours de route, belle découverte: l’utilisation du Content-aware Fill dans Photoshop pour atténuer les rides longues et profondes de façon très naturelle. Je m’assure d’utiliser une opacité entre 25% et 45% pour ne pas éliminer les traits du modèle. Très bon aussi pour d’autre caractéristiques. Ce que j’adore est le fait le tout semble tout à fait naturel. Aucun effet de flou. J’ai fait un traitement additionnel dans mon logiciel de retouche portrait à la toute fin mais de façon très peu prononcée. Ce n’était presque pas nécessaire compte tenu des résultats obtenus avec la fonction Content-aware fill. Mais j’aime l’effet lumineux qu’apporte ce logiciel. J’ai donc une retouche légère avec celui-ci.»
«Depuis une semaine je me retrouve beaucoup plus dans Photoshop que dans Aperture, Nik’s Software ou n’importe quel autre logiciel. J’aime encore Aperture pour certaines fonctions ou traitement (et Nik’s, surtout pour le contraste), mais j’ai recours beaucoup plus souvent à Photoshop. Le cloning est beaucoup plus fidèle à la texture originale; en plus, il a un élément très pratique. Quand je choisis l’endroit d’où cloner (où je vais prendre l’échantillon) et que je bouge mon curseur, je peux voir exactement la couleur, l’intensité, la texture etc, même avoir avoir cliqué. Photoshop est un incontournable pour moi maintenant.»
«J’utilise aussi Photoshop aussi beaucoup pour ramener la couleur blanche aux blancs des yeux et aux dents. Facile avec le lasso; je sélectionne l’endroit à traiter, je baisse la saturation seulement de la couleur qui cause un problème (e.g., jaune pour les dents, rouge pour les yeux), je joue aussi dans les niveaux pour blanchir. Ça fait toute la différence.»
«J’aimerais souligner que mon objectif n’est pas de rajeunir la personne (du moins pas de plus d’un an ou deux), mais plutôt que ses amis et sa famille se disent «Wow, elle avait vraiment bien dormi!» Il faut avouer aussi que la caméra ajoute du contraste qu’on ne voit pas à l’oeil nu. Pour les hommes, cela fait de portraits magnifiques et souvent j’augmente l’effet de rides en ajoutant du contraste (on appelle ça du «caractère»). Mais en général pour les femmes, surtout au-delà de 45 ans, on préfère atténuer ces contrastes en favorisant un éclairage qui rempli les rides de lumière.»
»Dans le deuxième exemple, j’ai pesé un peu plus fort sur le ‘piton’ pour vous permettre de voir ce qui est possible, mais en réalité la photo que j’ai partagé avec la cliente était plus près de l’originale» de conclure Denise.
«Devant deux portraits de ma mère»
Une meilleure façon de conclure cet article qu’en vous présentant le poème de Nelligan qui est évoqué? Je ne crois pas. Bonne semaine à vous tous et merci pour votre présence. Merci à Denise pour son partage avec vous.
Ma mère, que je l’aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu’elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien !
Ma mère que voici n’est plus du tout la même;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal;
Elle a perdu l’éclat du temps sentimental
Où son hymen chanta comme un rose poème.
Aujourd’hui je compare, et j’en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
Soleil d’or, brouillard dense au couchant des années.
Mais, mystère de coeur qui ne peut s’éclairer !
Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées ?
Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer ?
Émile Nelligan
Bonsoir Monsieur Louis 🙂
Sujet délicat que nos mamans …
Sur celles que vous présentez de votre maman, c’est curieux ou peut-être est-ce effet de l’écran mais je préfère la robe à gauche et le visage à droite … Est ce normal ? J’ai l’impression que les couleurs de la robe ressortent mieux à gauche qu’à droite, plus nette, plus contrastées … mais pour le visage, je préfère à droite …
Merci pour le partage avec Denise ! …
Bonne semaine au Canada !