J’habite un quartier montréalais tranquille. Très tranquille. Sympathique oui mais ordinaire. Un quartier aux allures résidentielles parmi lequel une grande rue allonge ses commerces, ses lampadaires, ses panneaux lumineux et son défilé de voitures. Le potentiel photographique est donc nul non? À première vue, ça semble le cas. Pourquoi au fait? Parce que ce n’est ni Chicago, ni New York, ni Londres, Kathmandhu, Delhi, Yangoon ou Paris? Parce que l’inspiration vient facilement là-bas mais moins ici? Pourquoi? Et si de la photo de rue pouvait se faire à deux pas de chez moi comme à deux pas de chez vous? Au fait, pourquoi c’est mieux…ailleurs?
Heureux que vous soyez à nouveau à notre rendez-vous. L’article de cette semaine s’inscrit dans la foulée de celui de la semaine dernière. Il sera à nouveau question de la photo de rue. Plusieurs ont apprécié le fait que je décortique la photo de rue en étapes successives. Identification d’un décor, lumière, action. Voilà qui ordonne le processus de création d’une photo de rue. Toutefois, il faut bien se l’avouer: certains décors inspirent plus que d’autres. Et lorsqu’on voit un décor trop souvent, on en vient à ne plus le voir ou, à tout le moins, ne plus voir ses qualités.
Je me suis donc donné un petit devoir au cours des derniers mois. Alors qu’habituellement, j’aime bien faire de la photo de rue au centre-ville de Montréal, je me suis demandé si je pouvais avoir un certain succès dans mon coin de pays. Mes réflexions à cet effet ressemblaient passablement à ce que j’ai déjà entendu chez plusieurs de mes étudiants: «Y’a rien d’intéressant dans mon mon quartier. » J’avais le goût d’abonder dans le même sens quant à mon quartier. Celui-ci est essentiellement résidentiel avec une grande artère dotée de commerces sans trop de personnalité. Un quartier ordinaire, à mes yeux. Toutefois, je me suis quand même dit: «allons voir» et j’ai plongé.
De l’ordinaire, j’ai vu émerger des moments, des situations, des détails qui m’échappaient. J’ai ralenti ma cadence, j’ai allumé mon oeil photo, j’ai prêté attention. Dans cette vie de quartier en apparence calme et indolente, des moments précieux survenaient sous mes yeux. Des histoires se déroulaient et pouvaient être racontées. Des rituels existaient sans que j’y aille prêté attention par le passé. Un esthétisme émergeait également, même si les infrastructures et les édifices de mon quartier pouvaient à prime abord paraître sans trop de personnalité. Suffit de ne pas inclure certains éléments dans notre cadrage pour capter l’essentiel.
Il est bon de constater qu’on peut bien entendu chercher l’inspiration ailleurs bien entendu. Toutefois, il est possible de faire de bonnes photos à proximité de chez soi. C’est d’ailleurs ce à quoi je vous invitais dans un article précédent vous encourageant à identifier un sujet photo à proximité de chez vous et de photographier ce dernier sous des conditions diverses. L’inspiration n’est souvent pas quelque chose qui survient spontanément mais bien un phénomène que nous pouvons – et souvent devons – provoquer. On pense qu’on photographie l’ordinaire mais souvent il n’en n’est rien. L’ordinaire pour nous est peut-être de toute première importance pour pour les gens concernés. En m’obligeant à faire de la photo de rue dans mon quartier, j’ai eu un regard neuf sur ce dernier, sur sa vie et ses résidents. Une vie que je continuerai de documenter au fil du temps.
P.S. Anecdote: une photo en apparence banale soit celle du MacDo durant l’heure bleue a eu une tournure inattendue. J’étais loin de me douter que les jeunes hommes à la terrasse du fast-food n’apprécieraient guère la présence d’un photographe…pour des raisons qui leur appartiennent et que je tiens à ignorer. Quelques minutes après avoir pris la photo, j’étais encerclé par ces six jeunes hommes qui me demandaient des comptes. J’ai pris la situation en rigolant et leur ai montré à tour de rôle la photo que je venais de prendre. Même si les premiers à qui j’ai montré la photo comprenaient que je n’avais pas cherché à prendre leur photo, j’ai insisté pour la montrer à chacun des membres du groupe. Ils m’ont laissé tranquille. 🙂
Quant est-il de votre quartier? De votre ville? Faites-nous en part. J’ai le goût – comme plusieurs – de connaître votre coin de pays. C’est un sujet de choix pour vous? Vos mots sont importants et merci pour le partage.
Bonjour Louis. En début de cette année 2019, je découvre votre blog et depuis je le parcours de long en large, je m’y balade comme à la maison. C’est juste génial, je m’y sens bien…
Cette article sur les photos près de chez nous fait écho à mon expérience actuelle. En effet, depuis quelques semaines, j’ai entrepris une formation photo (ma toute première) afin de booster ma créativité. Un de exercice demandé est un un projet 21. C’est-à dire, 1 photo par semaine durant 21 semaines et mon thème choisi pour ce dernier étant « Min klane Derfel » en alsacien (« mon petit village » en français). Soit des photos dans mon environnement proche … Pas facile avec la météo que nous avons par ici : température positive, de la pluie…et une lumière pas très belle… Mais je m’accroche…Encore merci pour tous ces articles et bonne continuation. Vous avez un nouveau lecteur fidèle.
Vous avez parfaitement raison en montrant des photos du lieu où l’on a l’habitude de vivre avec la curiosité critique du photographe. J’ai pu redécouvrir des coins de mon petit village en Belgique avec un oeil neuf et avec d’autant plus de plaisir.
Descendre sur le pas de sa porte et shooter tout ce qui s’y passe. L’idée avait été énoncée déjà par je ne sais plus quel streetphotographer américain. Je l’ai reprise à mon compte il y a un moment déjà, ai tenté de la diffuser en lui dédiant un groupe sur facebook… avec des résultats très improbables par-moments. C’est qu’on a en effet perdu l’habitude de voir ce qui se passe sur le pas de sa porte. Et cependant où rencontrer le mieux le flux du quotidien sinon sur le territoire qui est justement celui de notre propre quotidien ? Documenter le réel sans fioritures nécessite selon moi de s’y inscrire à la première personne du singulier. Il s’agit de dépasser la catégorie du « voir » pour celle du « vivre » et du « ressentir ». Il s’agit d’aller à l’essentiel du quotidien, du « vivre ensemble » sans se laisser dépasser par l’incongruité d’un contexte, dès lors que celui-ci ne nous est plus immédiatement signifiant.
Je ne suis pas photographe mais j’aime contempler. Et cet article me donne envie à m’essayer de capturer l’instant 🙂
Très content si l’article a pu vous inspirer. Vos mots sont une belle source d’inspiration pour moi. Merci, c’est très apprécié.
Merci pour cette article, sais vrais qu’on à souvent l’impression qu’il n’y a rien d’intéressant et que tous sembles ordinaires. Mais il s’agit de le regarder avec un œil nouveau ou d’opter pour une technique plus artistique pour redécouvrir le monde qui nous entoure. Merci encore pour ce p’tit coup de pied là ou le dos perd son nom.
Merci à vous Denis pour votre commentaire. J’ai eu à faire preuve de patience et d’observation mais au final, les résultats sont – et continueront – d’être au rendez-vous.
Encore un super article illustré de superbes photos, Louis. Bravo! 😊
Merci pour ta présence copain Vincent. Très gentil. 🙂
Bonjour Louis, Merci pour cet article et les superbes photos qui l’accompagnent. C’est exact, on peut faire de bonnes et même d’excellentes photos, n’importe où, et les vôtres en sont la preuve. Pour moi qui habite en pleine campagne, je me débrouille en photographiant les insectes et les fleurs, et à chaque fois c’est différent, donc intéressant. Je n’ai pas souvent photographié la ville la plus proche, mais je vais y songer. merci et bonne continuation. Amitiés.
Bien content si l’article peut inspirer une nouvelle démarche photo. Bon succès.
Merci pour cet excellent article. Il est vrai que voyager dans son quartier, y poser un œil neuf, est un bon challenge photographique.
Très juste Frederic. Merci pour commentaire.