Ne pas trop en mettre dans notre cadre. Conserver l’essentiel. Cadrer l’essentiel. Mettre en pratique notre suggestion pour la simplicité volontaire. Bien identifier notre sujet. Isoler celui-ci. Raconter une histoire. Voilà des points de repère pour nous permettre de faire de bonnes (et belles) photos. Mais tout ne tombe pas en place de façon magique. Quels sont nos points de repère? Quel est notre processus de réflexion? Je vous invite à découvrir le mien lors d’un événement très photographique que je n’espérais pas. La vie qui nous offre de belles occasions photo, encore faut-il être prêt à saisir le moment pour faire de la belle photo.
La (belle) surprise
Bonne semaine les copains. J’espère que vous avez connu un agréable weekend de Pâques. J’ai le goût de vous raconter l’histoire d’une série photos que j’ai le plaisir de réaliser la semaine dernière. L’occasion m’était offerte de mettre en pratique plusieurs éléments que j’ai soulevés au cours des derniers mois. L’arroseur arrosé penseront certains. 🙂
Quel événement? Vous le devinez à voir les photos. Ayant quelques heures à ma disposition, j’avais choisi de m’aventurer du côté du Mont-Royal (à Montréal) afin de voir si certaines photos de rue étaient possibles. J’étais loin de me douter que j’allais tomber sur une compétition de skateboard sur une route «squattée» à l’intérieur du campus de l’Université McGill. Près de quatre-vingt personnes participaient à la compétition, souvent comme compétiteurs, plusieurs comme photographes. Musique, ambiance, hot-dogs, l’atmosphère était décontracte, baba cooool, la température radieuse et les planchistes en pleine forme. J’étais content d’avoir ma fidèle G11 avec moi. Leçon no 1 réussie pour faire de bonnes photos: toujours avoir un appareil photo avec soi.
Connaître son sujet
Je me suis donc mis à photographier les descentes et les manoeuvres des participants. Je me familiarisais avec le rythme, le style, les commentaires d’appréciation des spectateurs, les chutes, les dérapages contrôlés. Bref, je me suis immergé de l’atmosphère du moment et pris mes points de repère. Si les sauts pouvaient initialement retenir l’attention côté spectacle, j’ai bien remarqué que les manoeuvres et déplacements avaient tout autant la cote. J’aimais bien découvrir le style des uns et des autres. Certains étaient plus acrobatiques, d’autres athlétiques, d’autres décontractés, d’autres nonchalants. Formidable.
S’attarder aux détails
Comme à l’habitude, j’ai toutefois voulu aller au-delà des clichés habituels liés à la performance sportive. Ça fait parti de mon style et de mes intérêts: aller au-delà de la photo d’action pour photographier davantage l’envers du décor. Je me suis donc déplacé dans le haut de la pente afin de capter les participants avant qu’ils ne s’élancent. J’étais à la recherche d’autre autre histoire, plus intime, plus personnelle. Et cette histoire habituellement ne se trouve pas dans les grandes photos d’ensemble mais plutôt dans des photos de détails.
Toutefois, les premières photos que j’ai faites (pour la forme) comme celle-ci ne s’inscrivent pas la foulée de la simplicité volontaire que je vous recommandais il y a quelques semaines. Pas besoin d’être observateur pour voir combien le sujet est confus. En fait, quel est le sujet? Plusieurs paires de jambes qui se superposent les unes avec les autres, quelques skateboards, des attroupements, rien de très signifiant. Il fallait que j’identifie un sujet plus fort et surtout, que je trouve l’histoire à raconter.
L’histoire
Quelques coups d’oeil pour réaliser que l’histoire à raconter, je l’avais sous les yeux depuis le début. Le style! Chaque compétiteur avait son style, avait sa marque, avait son code vestimentaire. Chaque planche exprimait la personnalité de son propriétaire. Chaque planche avait connu ses victoires et ses échecs, ses dégringolades et ses sauts, ses manoeuvres réussies et d’autres qui les avaient amené dans le décor. L’histoire était dans les détails, encore une fois.
Par contre, le défi était d’isoler ces détails – d’éviter la confusion dans la construction de ma photo. Éviter les chevauchements, les éléments pêle-mêle. Il fallait bien démarquer les éléments de façon à ce que ma photo aille un sujet qui devient «signifiant». Dans ce sens-là, ma recherche en terme de simplicité volontaire pouvait porter fruit.
Je me suis donc appliquer à isoler mon sujet. Parfois, mes photos ont donné des clichés très simples et dépouillés que j’aime bien. Dans la photo de droite, rien de compliqué et pourtant tout me semble y être. Le compétiteur prêt à partir, sa planche ayant son lot d’ecchymoses, les jeans également. Aucun objet ne distrait notre regard. La planche et les pieds de son propriétaire occupant la majorité de l’espace dans notre cadre. Gros plan.
Toutefois, je considère que ma photo de l’événement (et du jour) a été celle de droite. Voici celle qui illustre l’histoire que je souhaitais raconter. Le style…et quel style! Autant sur la planche que dans le port vestimentaire. L’attitude est décontractée comme l’événement. J’ai réussi à me déplacer pour isoler relativement bien mon sujet. Je lui ai accordé passablement d’importance dans mon cadrage. Il importait peu pour moi de capter le compétiteur dans son ensemble. Sa planche et ses bas constituaient le propos que je voulais saisir et partager. Dans ce sens-là, je crois avoir réussir à isoler mon sujet, à capter les éléments fondamentaux dans mon cadrage, à lui avoir accorder l’importance suffisante pour obtenir une photo «signifiante».
Ne pas trop en mettre dans notre cadre. Conserver l’essentiel. Cadrer l’essentiel. Mettre en pratique notre recherche pour la simplicité volontaire. Bien identifier notre sujet. Isoler celui-ci. Raconter une histoire. Voilà des points de repère pour nous permettre de faire de bonnes (et belles) photos. J’espère que cet article a pu vous être utile. N’hésitez pas à apporter vos commentaires et vos suggestions les amis.
Une continuité dans l’art de la photo mais également dans vos propos, une suite logique avec votre article sur la simplicité. Des mots qui ne vous apportent pas uniquement le petit + pour se perfectionner mais qui savent vous capter pour vous emmener au bout des phrases et descriptifs. Une maitrise de l’objectif mais pas uniquement une maitrise de la plume également.
Toujours un régal à lire et à étudier. Merci Louis
Merci Séverine. Un commentaire très touchant qui m’encourage à poursuivre et à faire mieux encore. Merci pour votre présence.
Une oeuvre d’art réussie n’attire pas seulement l’attention sur elle-même, mais évoque un feeling, réveille les autres sens à la réalité de la situation. Une musique devient « viscérale », un poème transporte ailleurs, et dans tes photos, on « entend » le hip-hop en background, on imagine les fist-pumps, et on peut « sentir » la rue. La photo devient une expérience qui dépasse notre sens visuel. Excellent conseils et très réussi. Bravo!
Merci pour ta présence Sylvain, merci pour tes mots et ce commentaire très poétique qui campe bien l’atmosphère qui régnait.